REVUE de PRESSE
« Anne Théron met en scène « Condor », nouvelle et belle pièce de Frédéric Vossier qui nous
entraîne dans le ressac des dictatures sud-américaines des années 70 à travers les difficiles retrouvailles entre une sœur et un frère. Avec une actrice et un acteur qui magnifient les silences
et les pénombres de la pièce: Mireille Herbstmeyer et Frédéric Leidgens.
(...) Par la conjugaison du son (Sophie Berger), de la lumière [Benoit Théron], de la vidéo (Mickael Varaniac-Quard) et de la
scénographie nullement réaliste (Barbara Kraft), Anne Théron entre nuitamment dans la tête d’Anna, la suit à la trace dans ses visions, ses hallucinations, les secousses de sa mémoire de son
passé qui ne passe pas. Et, avec la collaboration de Thierry Thieû Niang, nous donne à voir la danse d’esquive du frère face au corps lourd de trauma de la sœur. »
« Au TNS, Anne Théron s’empare de Condor, pièce de Frédéric Vossier en forme de cauchemar
psychique et politique, portée par deux comédiens de haut vol.
(...) Petit à petit, cet intérieur devient l’enfermement mental d’Anna, entretenant une perte de
repères faite d’apparitions et disparitions. S’y précipitent et s’y matérialisent souvenirs joyeux des camarades et supplices, horreur des tortures et viol. Anne Théron réussit à nous faire
lâcher prise pour contempler les détails.»
« Le trauma, "colonne vertébrale" de ce qu'écrit Frédéric Vossier est inscrit dans les corps des
deux comédiens: Mireille Herbstmeyer et Frédéric Leidgens, tous deux marqués par ces personnages "monstrueux". Gestes précis, millimétrés, micro-chorégraphie des poses et déplacements dont la
justesse et le dosage sont l’œuvre de Thierry Thieu Niang, observateur de génie, traceur d'espaces habités, marqueur de territoire dans cette scénographie de l'enfermement. Anne Théron rend ici
limpide et visible l'évolution des relations entre victime et bourreau, audacieuse mise en tension entre haut et bas, dégringolade de deux escaliers aux marches inégales, éclairages assombris,
oppressant. Tout est juste et glaçant, suffoquant et médusant.»
«Le contexte posé en toile de fond, la pièce Condor est une tragédie familiale et politique, humaine
et existentielle. Un théâtre de chambre, précise Frédéric Vossier, qui va au coeur de l’intime à travers l’économie d’une écriture significative. Soit la dramaturgie du retour pour une soeur
ex-victime qui revient chez son frère ex-bourreau, portant le poids de tous les implicites accumulés.
(...) Frédéric Leidgens incarne le rôle avec l’élégance d’une douceur ambigüe et d’une colère tapie et revendiquée au fond de soi, celle de s’être senti
de tout temps fort et « du bon côté », en fait celui de la réaction et de la régression, des totalitarismes et de la tyrannie contre les démocraties.
Quant à la soeur rebelle, déterminée et sûre de sa capacité à « prendre sur soi », au-delà des
effrois subis, de la misère du monde et des hommes, c’est Mireille Herbstmayer, magistrale, recelant en elle une dimension tragique qui impose le respect et l’admiration, sachant ce que
les mots et les maux veulent dire, traçant son chemin de confiance vers l’élucidation et la libération.
Un spectacle puissant à la tension extrême qui réactive les espoirs et les espérances
réparatrices.»
« Frédéric Vossier, avec la mise en scène lumineuse d’Anne Théron, donne à sa pièce Condor la plus
audacieuse écriture du non-dit par une abstraction qui libère la parole, et pose la question : c’est quoi une vie humaine ?
(...) C’est avec la puissance de la pièce Condor, et son travail de mise en scène, qu’Anne Théron nous fait entendre l’intériorité d’Anna et Paul. Condor a la fougue beckettienne d’être, par sa
quête de personnage, où tout est encore possible à l’humanité. Même dans le souvenir d’un monde sens dessus dessous ; Frédéric Vossier voit et décrit l’épure du formel par son récit.
(...) Le jeu intense, de Mireille Herbstmeyer et de Frédéric Leidgens, est à son acmé. Nous sommes dans l’action du passé et nous la vivons au présent. L’art du théâtre nous montre l’épiphanie de
l’horrible secret d’une sœur et d’un frère. Un choc !»
Dashiell Donello, «
Who now » beckettien ?
les dits du théâtre, 15 octobre 2021.
«D’avoir
fait appel à Mireille Herbstmeyer et à Frédéric Leidgens pour donner sens aux deux personnages est un coup de génie; corps contraints, diction décortiquée, ralentie, allant fouailler dans un
ailleurs spatial et temporel, peut-être les tréfonds de l’âme, ils sont tout simplement prodigieux, d’autant qu’est intervenu à ce stade le chorégraphe Thierry Thieû-Niang. L’effroi nous saisit
alors qu’Anne Théron poursuit avec une rare et subtile efficacité son travail d’analyse spectrale d’une rare violence.»
«Mireille Herbstmeyer et Frédéric Leidgens se livrent à un impeccable face-à-face
nocturne sous haute tension entre crise politique et préjudices intimes dans Condor de Frédéric Vossier que met en scène Anne Théron au théâtre National de Strasbourg puis à la MC93 de
Bobigny.
(...) Il faut saluer l’incarnation saisissante qu’offrent les deux comédiens réunis. Entre ferme solidité et franche vulnérabilité, ils font de la pièce un combat livré
aussi bien dans les mots que dans les corps, puissamment acérés. Une nervosité toute rentrée n’empêche un jeu fauve d’advenir. Sous des airs doucereux, Frédéric Leidgens demeure inquiétant et
diabolique en ancien tortionnaire ricanant qui se défend d’être un criminel. Atteinte dans sa chair de victime, Mireille Herbstmeyer déploie beaucoup de justesse dans un registre profondément
tragique.»
Christophe Candoni, Condor, un cauchemar en béton armé
(...) «La mise en scène d’Anne Théron, metteuse en
scène associée au Théâtre National de Strasbourg, est d’une grande perfection. «J’ai voulu, dit-elle montrer ce que je ressens profondément de cette pièce.» Mireille Herbstmeyer et Frédéric
Leidgens jouent tout ce qu’ils ont à jouer, avec une précision absolue. Cela ne vient pas d’un désir formel mais de l’aboutissement de leur travail. Ils donnent corps à leurs personnages avec
chacun, sa singularité. Elle, plus retenue, plus tenace, quoique tremblante, secouée soudain d’un spasme-chorégraphie de Thierry Thieû-Niang. Lui, avec une légèreté de danseur, ses pas de biais,
apparitions et disparitions subites et le visage de folie qu’il se donne parfois. Nous ne dirons pas «monstre sacrés» : leur humanité sans complaisance et sans ornement nous touche, et
rares sont les spectacles où chaque moment de jeu parvient à une telle plénitude.
Ce frère et cette sœur nous emmènent exactement là où il faut dans leurs peurs et leurs troubles, soutenus par de brèves
vidéos de terreur signés Mickaël Varaniac-Quard et le travail sur le son de Sophie Berger, d’une parfaite précision de matière et de rythme, et d’une violence sans concessions ni excès
gratuits. Anne Théron, avec cette mise en scène où tout est très coordonné et qu’on dira classique -ce n’est pas un reproche- nous emmène vers l’effroi et la catharsis. On l’aura
compris : Condor va loin au large, sans craindre de nous renvoyer à une histoire et à une géographie hantées par le spectre des dictatures. Nous en sommes sortis impressionnés et
avec un sentiment rare de gratitude. A ne pas manquer, cela va de soi…»
Christine Friedel, Condor de
Frédéric Vossier, mise en scène d'Anne Théron
Théâtre du blog, 19 octobre 2021.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore, Condor, une confrontation
glaçante entre victime et bourreau
L'oeil d'Olivier.fr, 21 octobre 2021.